L'oeuvre de Jouve est une recherche souterraine de soi qui veut transmuer la "matière d'en bas" en "matière d'en haut". Par là, Jouve est un héritier de Baudelaire. Mais, tandis que l'auteur des Fleurs du mal se place toujours sur le plan de la conscience, Jouve se situe, lui, sur un plan mystique qui le rapproche de Nerval, Novalis et Hölderlin (dont il a traduit les Poèmes de la folie ). Il sait que son génie ne réside pas dans un élan de généreux altruisme, mais bien plus dans un profond retirement en soi. Le mysticisme de Jouve est vécu tragiquement, avec une froide et passionnée rigueur qu'on retrouve d'ailleurs dans la disposition typographique très soignée de son poème et dans le souci fréquent d'une concision formelle mallarméenne. Poésie de la transparence, l'oeuvre de Pierre Jean Jouve est une métamorphose mythique qui clame l'élan mystique toujours recommencé.
LUF
Tandis qu’en France la littérature était "occupée", Fribourg a connu pendant la guerre des années exceptionnelles. L’entreprise éditoriale de la L.U.F. (Librairie de l’Université de Fribourg), telle que l’a faite Walter Egloff entre 1935 et 1953, marque un des grands moments de l’histoire culturelle fribourgeoise : c’est à la L.U.F. qu’ont paru des livres de Paul Claudel, de Pierre Jean Jouve, de Pierre Emmanuel et de Charles-Albert Cingria pendant la Seconde Guerre mondiale ; c’est à la L.U.F. qu’ont paru les Discours de guerre du général de Gaulle ; c’est à la L.U.F. qu’ont paru les premiers livres de Jean Starobinski ; c’est à la L.U.F. que résonne "Le Cri de la France", la collection dirigée par Pierre Courthion. (Voir : Une librairie idéale, une aventure éditoriale: Walter Egloff et la L.U.F. (1935-1953). Catalogue de l’exposition, textes réunis par Michel Dousse et Simon Roth, BCU / Fribourg, 1999).