Un volume broché (d'une seule couture de fil de lin) sous couverture muette en papier bleu comme d'origine, 47 pages : page de titre ornée d'une vignette gravée sur bois présentant un décor aux oiseaux de l'éditeur (Chalopin), bandeau orné d'une tête couronnée de lauriers du même et reproduite par le même procédé en troisième page. Papier légèrement bruni mais sans excès, petits défauts d'impression (finesse) et marges rognées, sinon bon exemplaire de cet opuscule parfaitement représentatif du type d'édition populaire, révolutionnaire et post-révolutionnaire, auquel il appartient (dernier feuillet, des pages 45-47, non coupé).
Henriette-Julie de Castelnau (1670-1716), comtesse de Murat, est un écrivain français du XVIIe siècle, contemporain (entre autres) de Marie-Catherine d’Aulnoy, Charlotte-Rose de Caumont La Force, Charles Perrault ou encore Marie-Jeanne L’Héritier de Villandon. Accusée de dépravation et de lesbianisme, cette femme impertinente fut arrêtée, puis elle fut successivement emprisonnée entre 1702 et 1709 dans les châteaux de Loches, Saumur, Angers et Loches, à nouveau. Son époux, M. de Murat, fit la sourde oreille à ses appels à la liberté. Finalement, c’est Pontchartrain qui signa son ordre de libération à la condition qu’elle se retire chez sa tante, en Limousin. Son dernier ouvrage intitulé Les Lutins du château de Kernosy parut en 1710 et fut boudé par le public. Celle qui avait su concilier la tradition des précieuses et la vague d’engouement pour les contes de fées à la cour du Grand Roi s’éteignit dans l’anonymat quelques années plus tard. Une édition critique des Contes d’Henriette-Julie de Castelnau de Murat a été établie par Geneviève Patard et a paru aux Éditions Honoré Champion, à Paris, en 2006.
La Bibliothèque bleue
Les éditions populaires sous couverture bleue sont dues aux Chalopin, véritable dynastie de libraires-éditeurs de province qui œuvre à Rouen au XVIIIe siècle. Leur production dès 1788 est surtout emblématique des éditions populaires bon marché qui se multiplient pendant la période révolutionnaire. Les Chalopin ont commencé par faire le commerce de livres imprimés par d’autres en Normandie. Et c’est seulement par opportunisme, pour répondre à la demande populaire et pour combler un vide, qu’ils se lancent avec succès dans l’édition bon marché. «Le succès des Chalopin n’est donc pas dû au hasard. Grâce à leur gestion consciencieuse, leur répugnance à prendre des risques commerciaux et leur honnêteté à toute épreuve, ils assurent une vraie stabilité à leur entreprise tout au long du XVIIIe siècle. Mais leur prudence est mêlée d’opportunisme car les Chalopin savent faire preuve de dynamisme et de clairvoyance : ils sont prêts à saisir l’occasion de devenir imprimeur quand elle se présente, et exploitent à leur profit les ressources de Caen et de sa région pour augmenter leurs débouchés. Ils perçoivent enfin tout le potentiel commercial des rééditions bon marché destinées aux masses et en font leur spécialité, ce qui les mène à la Bibliothèque bleue. De cette manière, les Chalopin « inventent » un moyen de réussir pour des imprimeurs-libraires provinciaux au XVIIIe siècle.» (source : Devenir imprimeur-libraire en Basse-Normandie au XVIIIe siècle. Les stratégies de la maison Chalopin, par Mathilde Le Roc’h-Morgère. Résumé de son mémoire pour le diplôme de Master, École des Chartes, 2013[1]).